Principaux défis de l’élevage d’insectes

Cette page répertorie les principaux défis que nous avons identifiés concernant la viabilité économique et l’impact environnemental des insectes pour l’alimentation humaine et animale.

L’élevage d’insectes a suscité une attention considérable au cours de la dernière décennie, attirant plusieurs milliards de dollars d’investissements et étant présenté comme une solution écologique pour notre système alimentaire. Toutefois, un écart important subsiste entre les promesses initiales du secteur et les faits : nos recherches indiquent que les protéines d’insectes sont souvent peu compétitives sur les plans économique et environnemental.

Défis économiques

  • Valeur ajoutée peu claire
    Une série d’entretiens avec des experts de l’élevage d’insectes indique qu’« actuellement, l’industrie des insectes ne parvient pas à offrir de véritable valeur économique, environnementale ou sociale » et que des obstacles, tels que l’acceptation des consommateurs, doivent être surmontés avant d’avoir un impact positif.

  • Coûts de production élevés
    La farine d’insectes coûte de deux à dix fois plus cher que les aliments conventionnels pour animaux d’élevage, comme la farine de poisson ou de soja, ce qui constitue un frein majeur à son adoption.

    • Selon l’étude la plus approfondie sur les coûts de production, « les insectes ne feront probablement pas partie de l’alimentation animale à grande échelle dans un futur proche » (Leipertz et al. 2024)

  • Fragilité économique
    Plusieurs grandes entreprises ont récemment rencontré des difficultés financières, mettant en lumière la fragilité économique du modèle et renforçant le scepticisme des investisseurs.

    • Le secteur a attiré environ 2 milliards de dollars d’investissements dans le monde, mais de nombreux échecs témoignent de la volatilité du marché.

    • Ÿnsect s’est placé en redressement judiciaire en mars 2025 malgré 600 millions d’euros d’investissements. En 2023, ses ventes se sont élevées à 656 000 €, tandis que ses pertes s’élevaient à 80 millions d’€, soit 100 fois plus. Depuis 2023, l’entreprise a licencié 90% de son personnel.

    • De nombreuses entreprises d’élevage d’insectes sont proches de la faillite, dont Agronutris en France (100 M$ d’investissements), le leader scandinave Enorm Biofactory (55 M$) et le plus grand élevage de grillons, Aspire Food Group au Canada (42 M$).

    • « Nous avons besoin d’un succès clair, établi et définitif, alors que nous n’avons pour l’instant que des échecs clairs, établis et définitifs », déclare un membre du syndicat européen des insectes (IPIFF) cité par Le Figaro.

  • Risque de délocalisation
    L’élevage d’insectes est peu susceptible de contribuer fortement à la sécurité alimentaire des pays occidentaux. Les insectes nécessitent 25–30 °C pour croître rapidement ; le climat plus froid de l’Europe et le coût du travail élevé y nuisent à la compétitivité par rapport aux zones tropicales comme l’Asie du Sud-Est.

    • Combiné aux défis d’échelle, de coûts et d’approvisionnement alimentaire, l’élevage d’insectes a peu de chances d’accroître l’autonomie alimentaire à court terme.

  • Forte dépendance aux fonds publics
    Les entreprises ont reçu des soutiens publics substantiels dans le monde, pour un montant total de centaines de millions d’euros.

    • La moitié du financement d’Ÿnsect (France) serait publique, selon son cofondateur. Aspire Food Group (Canada) a reçu plus de 35 M$ de financements publics, mais a licencié 66% de ses employés en novembre 2024. Innovafeed a reçu une subvention de 12 M$ de l’USDA aux Etats-Unis.

  • Consommation humaine minimale
    Contrairement à l'opinion publique, seulement 5 % du financement du secteur de l'élevage d'insectes est consacré à l'alimentation humaine, en raison d'une faible acceptation des consommateurs et de barrières culturelles.

    • Malgré un enthousiasme initial, l'industrie a sous-estimé le dégoût associé à l'alimentation humaine et la difficulté à utiliser les déchets alimentaires pour nourrir les insectes.

      • Le principal syndicat de l’industrie en Europe, l’IPIFF, a déclaré que son objectif n’était pas nécessairement de produire des produits destinés à remplacer la viande et le poisson, mais plutôt des compléments.

    • L'industrie se concentre principalement sur l'alimentation animale, notamment l'aquaculture. Les aliments pour animaux de compagnie représentent plus de la moitié du marché, mais se concentrent principalement sur un segment de niche haut de gamme.

  • Les fertilisants à base d’insectes sont coûteux
    Le « frass », fertilisant issu des déjections d’insectes, est généralement trop cher pour les agriculteurs (1 500–3 000 $/t contre 300–350 $/t pour le compost/fumier en Australie) et nettement moins compétitif que les engrais de synthèse.

  • Compétitivité limitée
    Compte tenu de ces difficultés, l’IPIFF a récemment dit « ne pas prétendre remplacer le soja ou la farine de poisson, mais proposer un produit complémentaire à un prix premium ».

Défis environnementaux

Préoccupations générales

  • Chauffage énergivore
    En climat tempéré, les fermes d’insectes nécessitent souvent beaucoup d’électricité pour maintenir 25–30 °C, ce qui est souvent coûteux en énergie.

  • Incertitude sur les engrais à base d’insectes
    Une étude commandée par le gouvernement britannique, passant en revue 50 articles scientifiques, conclut que l’utilité et la sécurité d’utiliser de l’engrais à base d’insectes (frass) à grande échelle demeurent inconnues.

  • Risques pour la biodiversité
    Certaines études alertent sur les risques potentiels d’évasion d’insectes d’élevage dans la nature. Elles expriment des inquiétudes quant à la perturbation des écosystèmes et à la propagation de maladies, en particulier si les insectes sont sélectionnés génétiquement ou non indigènes.

Les insectes pour l’alimentation des animaux d’élevage

  • Usage limité des déchets pour nourrir les insectes
    Malgré les attentes initiales du secteur, l’utilisation de déchets alimentaires pour nourrir les insectes reste limitée, principalement en raison de contraintes logistiques, réglementaires et sanitaires, y compris dans les pays où cela est autorisé.

    • La plupart des plus grandes fermes d’insectes utilisent des coproduits agricoles de haute qualité issus des céréales, entrant ainsi en concurrence directe avec l’alimentation animale conventionnelle, voire l’alimentation humaine, ce qui entraîne souvent un impact environnemental plus élevé.

    • Selon le directeur financier d’Innovafeed : « Même s’il existe un fort potentiel à long terme [d’usage des déchets], il est extrêmement difficile de bâtir une industrie avec un produit de qualité constante si votre intrant principal présente une forte variabilité. »

  • Inefficacités supplémentaires
    L’utilisation d’insectes pour nourrir d’autres animaux entraîne des pertes de conversion. Donner des céréales aux insectes, puis ces insectes aux animaux d’élevage, accroît la consommation de ressources et entraîne donc des émissions de GES plus élevées que l’alimentation directe.

    • Une étude montre que même nourris de déchets, les insectes ne présentent de bénéfices environnementaux que s’ils remplacent la viande dans l’alimentation humaine.

  • Émissions plus élevées que les ingrédients actuels
    La plupart des études indiquent que la farine d’insectes a une empreinte carbone supérieure à celle de la farine de soja ou de poisson lorsque les insectes ne sont pas nourris avec de véritables déchets.

    • D’après une étude commissionnée par le gouvernement britannique et validée par des experts du secteur, la farine d’insectes émet de 5 à 13 fois plus de gaz à effet de serre que la farine de soja, même lorsque les insectes sont nourris de déchets alimentaires.

      • La farine d’insectes obtient aussi de moins bons résultats que la farine de soja sur 13 des 16 indicateurs environnementaux (comme l’énergie ou l’occupation des sols).

    • En aquaculture, une revue de 2022 conclut que les insectes ont un impact « énorme » sur le réchauffement climatique, la consommation d’énergie et d’eau.

      • Un grand réseau d’investisseurs du secteur alimentaire (FAIRR) estime que les insectes « ne sont pas la solution » pour l’aquaculture.

  • Surconsommation d’eau
    Plusieurs études ont constaté que l’élevage d’insectes présente, de manière surprenante, une empreinte eau par kg supérieure à celle du porc, du poulet et du bœuf. Cependant, les résultats varient fortement selon la méthodologie.

  • Soutien indirect à l’élevage intensif
    Même si les insectes devenaient compétitifs, offrir un ingrédient supplémentaire aux animaux d’élevage pourrait indirectement accroître la production de viande, avec des impacts environnementaux et de santé publique bien documentés.

Les insectes pour l’alimentation d’animaux de compagnie

  • Émissions élevées
    Les aliments pour animaux de compagnie à base d’insectes peuvent émettre de 2 à 10 fois plus de gaz à effet de serre que les aliments traditionnels à base de coproduits d’abattoirs.

    • Selon une étude, les aliments pour animaux émettent environ 1 à 2 kg de CO2e par kg de protéines, tandis que les insectes émettent de 3 à 30 kg de CO2e par kg de protéines (s’ils ne sont pas nourris avec des déchets).

Les insectes pour l’alimentation humaine

  • En concurrence surtout avec les produits végétaux existants
    Même dans les rares cas où les insectes sont utilisés dans l’alimentation humaine, seul un produit sur dix est conçu comme substitut à la viande.

    • La plupart visent surtout à concurrencer des alternatives végétales mieux établies.

    • Les snacks, pâtes et biscuits à base d’insectes ont probablement un impact environnemental supérieur à celui des produits conventionnels.

  • Moins performants que les alternatives végétales
    Les protéines d’insectes ont un impact environnemental plus élevé que les alternatives d’origine végétale et elles sont moins bien acceptées par les consommateurs.

Pour une présentation plus détaillée des défis, vous pouvez consulter les liens suivants en français : Enjeux et Impact environnemental..


Si vous avez des questions, vous pouvez nous contacter à l’adresse contact@onei-insectes.org